La charge mentale
- Sand Into the Wild
- 13 avr.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 avr.
Voici la définition de la charge mentale selon Le Larousse : « un poids psychologique que fait peser (plus particulièrement sur les femmes) la gestion des tâches domestiques et éducatives, engendrant une fatigue physique et, surtout, psychique. » L'Organisation Mondiale de la Santé dit qu'elle est « la charge cognitive et émotionnelle résultant des exigences et des contraintes de la vie quotidienne et du contexte social dans lequel les individus vivent »
Je ne sais pas pour vous, mais des fois je m'auto-fatigue à penser à dix mille choses en même temps, sans répit. Il s'agit d'une gymnastique cérébrale constante concernant l'organisation de tout ce qui interfère avec toutes les parties de ma vie. Parce qu'on parle de charge mentale ''domestique", mais bien souvent elle se cumule avec la vie professionnelle, la vie sociale, et les exigences qu'on va s'imposer nous-même. Et la liste est non exhaustive.

On va cogiter en permanence pour organiser, gérer, et caser dans un emploi du temps restreint l'équivalent de trois jobs à plein temps au minimum. Parce qu'il faut compter les activités scolaires et extra-scolaires, la vie sociale, toute la vie domestique, et ajouter le travail, parce qu'il faut bien travailler pour pouvoir manger. C'est donc commencer à faire travailler la cervelle avant même d'avoir mis un pied par terre, avant même d'avoir ouvert un œil.
Réfléchir à tout ce qu'on a à gérer avant l'heure du départ pour l'école, le travail.
On va donc devoir articuler la préparation, les trajets, le départ de l'école, gérer la journée de boulot avec la charge qu'elle implique, déposer l'un dans une école, l'autre dans l'autre qui est un peu plus loin, si possible avant de se faire taper sur les doigts parce qu'on est en retard et qu'on a dépassé l'heure même si on a couru comme un dératé.
C'est penser au cadeau d'anniversaire pour la fête prévue mercredi chez le copain, donc calculer où aller, et surtout quand y aller. C'est accompagner le petit au judo puis courir au stade pour déposer le grand, se montrer enthousiaste au bord du terrain alors qu'on sent plus nos orteils et qu'on a encore tellement de choses à faire à la maison et ces sensations de perte de temps et de culpabilité à même oser penser ça en n'étant pas complétement à ce que vit notre enfant...
C'est courir dans l'autre sens, parce que les horaires des loisirs collent pas vraiment, mais bon, on a voulu leur faire plaisir au début de l'année scolaire.
C'est prévoir le repas, s'assurer que le réfrigérateur contient de quoi préparer le repas, prévoir quand se mettre à la cuisine, s'assurer que la cuisine est opérationnelle, vaisselle faite, ustensiles et évier disponibles, après avoir réussi à caler la préparation des affaires de demain, la douche, entre le goûter et les devoirs...
C'est penser à cette réunion à 10h demain, à laquelle on n'a pas trop envie d'aller, penser à ce qu'on doit préparer, à ce qu'on doit dire.
Se souvenir de ce qui s'est dit la dernière fois, des chiffres évoqués, de ce qu'on avait dit qu'on mettrait en place, et finalement on en est où, faut penser à regarder demain en arrivant...
Puis c'est une fois qu'on a tout bouclé, qu'on a enfin la possibilité d'aller se coucher, qu'on va se rappeler la lessive qui attend sagement qu'on l'étende, et on n'y coupe pas, parce que sinon ça veut dire tout remettre à laver parce que le linge va sentir mauvais...
Et déjà programmer ce qui va se passer le jour suivant, la semaine suivante, le mois suivant. Au final le cerveau fonctionne sans répit, sans relâche. Et bien souvent ça incombe aux mamans, aux femmes.
C'est ce mécanisme discret qui s’installe sans prévenir, qui finit par se fondre dans le quotidien, comme s’il avait toujours été là. Avec le temps, il devient presque invisible : C’est ce qui fait qu’on ne se rend même plus compte de tout ce qu’on porte au quotidien.

On le fait parce qu'on l’a toujours fait, parce qu’on a grandi dans l’idée que c’était notre rôle, parce que personne ne le fera à notre place, ou peut-être simplement parce que personne ne voit tout ce que cela représente vraiment : Le mode multifonction activé non stop.
Alors, on continue, on anticipe, on pense pour les autres, on vérifie que tout est prêt, on ajuste en permanence ce qui doit tenir dans des journées bien trop courtes.
On se dit que ce n’est pas grave, qu’on gère, qu’on a toujours réussi à tenir bon, même dans les périodes les plus serrées.
On oublie de se demander si on va bien. On oublie même qu'on aurait le droit de se poser cette question-là.
Et peu à peu, on s'efface. Pas tout d'un coup, non, par petites couches. Comme si une version de nous, celle qui avait des élans, des envies, de l'énergie à donner à autre chose, se mettait en retrait, jusqu'à ne plus avoir la place de respirer. On devient ce point fixe autour duquel tout le reste peut tourner, parce qu’il le faut, parce que c’est comme ça.
Mais au fond, est-ce que c’est vraiment ce qu’on veut continuer à faire ? Est-ce qu’on peut encore soutenir ce rythme, sans jamais s’autoriser à souffler ? Peut-être que la réponse n’est pas immédiate, peut-être qu’elle n’a même pas besoin d’être claire aujourd’hui. Peut-être qu’il suffit juste de reconnaître que c’est trop, que ce n’est pas juste, que ce n’est pas rien. Et qu’on a besoin de relâcher, même un tout petit peu.
Alors sans tout révolutionner et sans tout remettre en question d’un coup, on peut commencer par une seule chose. Une seule. Et se demander, simplement, ce qu’on pourrait faire aujourd’hui, rien qu’un instant, rien que pour soi.
Et peut-être que déposer quelque chose, ce n’est pas forcément renoncer. Ce n’est pas abandonner ce qu’on a construit, ni fuir ses responsabilités. C’est simplement reconnaître que tout ne peut pas toujours reposer sur une seule personne, que l’équilibre a besoin d’être partagé pour être viable.
C’est choisir, consciemment, de ne plus le faire seule. C’est oser ouvrir un espace où l’autre a une place réelle, une responsabilité, une implication. Ce n’est pas forcément facile, ni instantané, mais c’est un début. Et dans ce début, il y a déjà un soulagement.
On peut décider d’impliquer son conjoint autrement, de rendre les enfants plus acteurs du quotidien, à leur manière, selon leur âge, selon ce qu’ils peuvent comprendre et faire. Ce n’est pas tant une question d’organisation, même si ça y ressemble.
C’est surtout une question de reconnaissance : Reconnaître que la charge est là, qu’elle pèse, qu’elle est inégale, et qu’on ne veut plus la porter seule. C'est faire prendre conscience que le quotidien et le vivre ensemble, ça concerne chacun dans l'espace familial, et qu'il n'y a pas de raison que ça ne repose que sur une seule personne.
On a le droit de s’arrêter un instant et de dire que c’est trop. On a le droit de revoir les équilibres. On a le droit de ne plus tout faire, tout anticiper, tout prévoir, tout soutenir. Et c'est là quelque chose de normal. Poser des limites, des exigences personnelles, devenir un peu égoïste en rééquilibrant les charges.
Et peut-être que ça commence ici. Pas demain, pas quand on aura du temps, pas quand ce sera plus calme.
Juste maintenant, dans cet instant où l’on s'autorise enfin à ne pas tout porter. Juste un peu moins. Juste un peu mieux. Juste en commençant aujourd’hui. Juste une première étape dans un partage plus équilibré, un allègement mental.
Alors aujourd'hui, on décide de faire quelque chose juste pour soi, de s'accorder cette parenthèse, en laissant de côté la partition de tout ce qu'on a à porter. Et vous quel sera votre plaisir personnel du jour ?

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